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Dominique Stoppa-Lyonnet
Etude des prédispositions génétiques au cancer du sein
Dominique Stoppa-Lyonnet est médecin, professeur de génétique à l’Université Paris Cité et responsable du service de génétique de l’Institut Curie. Elle a été membre du Conseil Médicale et Scientifique de l’Agence de la Biomédecine (ABM) de 2005 à 2015 et du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) de 2005 à 2013. Elle est présidente du Comité Déontologique et Ethique de l’Institut National du Cancer (INCa).
Dominique Stoppa-Lyonnet est spécialiste du diagnostic de prédisposition aux cancers et en particulier aux cancers du sein et de l’ovaire. Elle a une activité de génétique clinique et de laboratoire. Ces travaux de recherche portent sur des anomalies rares de la réparation de l’ADN et sur l’épidémiologie génétique des prédispositions aux cancers du sein et de l’ovaire ainsi que sur la prise en charge des femmes à haut risque de ces cancers. Elle a eu un rôle important dans l’opposition aux brevets sur les gènes BRCA1 et BRCA2 délivrés par l’Office Européen des brevets.
Quelle est votre initiative de santé ?
C’est une initiative qui n’est plus un projet car elle a occupé plus de trente années de ma vie, l’ensemble de ma vie professionnelle. Il s’agit de l’étude des prédispositions aux cancers qui est passé d’un champ émergent au début des années quatre-vingt-dix à une nouvelle discipline : l’oncogénétique. C’était d’abord un projet de recherche qui avait pour vocation de comprendre certaines formes familiales de cancers et en particulier de cancers du sein. C’est un projet qui s’appuyait sur les familles concernées par plusieurs cas. Les consultations de génétique sont alors nées avec un double objectif : répondre aux préoccupations d’une mère, d’un père, d’une sœur s’interrogeant sur la prise en charge de leurs apparentés et faire des recommandations de suivi d’une part et proposer leur participation à la recherche d’autre part. C’est grâce à la participation des familles que les gènes BRCA1, BRCA2 et bien d’autres ont été identifiés. Et c’est toujours grâce à ces familles que les recherches se poursuivent. Les enjeux principaux à l’heure actuelle de la recherche sont l’estimation individuelle des risques tumoraux prenant en compte outre les gènes déjà identifiés des facteurs modificateurs de risque, génétiques et non génétiques. C’est aussi la classification de variants de signification inconnue (VSI), très nombreux. Paradoxalement, plus on séquence de gènes, plus on identifie des variants pathogènes mais encore plus de VSI. Les collaborations nationales et internationales via la construction de bases de données de qualité sont indispensables. La réalisation de tests génétiques de qualité est un enjeu majeur de la médecine prédictive, cette « médecine des risques à haut risque ». L’objectif de la médecine prédictive est de limiter l’impact de la maladie annoncée via en cancérologie une prévention primaire (souvent chirurgicale) ou secondaire (diagnostic précoce). En annonçant des risques de cancer, il ne s’agit pas de rendre anxieuse, malade, une personne qui ne l’est pas mais de lui proposer des mesures de prévention adaptées. L’oncogénétique est devenue une discipline multidisciplinaire réunissant, outre généticiens et conseillers en génétique, radiologues, chirurgiens, psychologues et oncologues. L’oncogénétique doit aller pas à pas, de façon raisonnée : des tests de qualité, chez des personnes informées, accompagnées, protégées !
Quels ont été les obstacles rencontrés pour monter le projet ?
Je pense que j’ai été à la fois assez naïve et optimiste pour ne pas voir les difficultés du parcours à venir. Peut-être aussi n’avais-je pas un « plan de carrière » qui m’aurait enfermée et déçue. Au cours de ma seconde année d’internat, j’ai assisté à un séminaire à l’hôpital Saint-Louis dont je ne comprenais pas même le titre. Mais, l’intervenant, Tommy Meo, en présentant la duplication d’un gène du système immunitaire chez la souris a évoqué l’évolution darwinienne des espèces. Cela m’a enchantée et fascinée : quelques jours plus tard au zoo de Vincennes, je me suis sentie d’une grande proximité face à un morse dont les caprices de l’évolution – ou plutôt la pression de sélection sur le vivant – avaient fait que nous étions deux mammifères, l’un phocomèle et avec deux grandes défenses, l’autre bipède et avec un cerveau qui lui permettait d’être conscient de sa finitude. Je n’ai eu de cesse que de faire un DEA dans le laboratoire de Tommy Meo à l’Institut Pasteur. Il m’a reçue, écoutée et m’a dit que « cela n’allait pas être possible » mais il ne pas dit que ce serait impossible. Ma naïveté m’a conduit à l’appeler 10 fois, neuf fois la réponse a été « Tommy est absent » et la dixième fois, mon insistance s’est transformée à ses yeux en une grande motivation et il a accepté de m’accueillir dans son laboratoire. J’ai tout appris en génétique, sous l’aile protectrice de Mario Tosi. J’ai pu construire un dossier solide, insolite à l’époque pour une interne et qui a été un passeport formidable pour construire un projet sur la génétique des cancers du sein à l’Institut Curie. Mais, quand on a trente ans, mener de front de longues études puis démarrer une vie professionnelle et familiale est difficile. La maison se transforme en PME. Aujourd’hui, j’ai toujours de la tendresse pour les plus jeunes qui doivent tout mener de front : si hier, c’était une difficulté essentiellement pour les femmes, aujourd’hui c’est pour les couples une difficulté toujours à surmonter.
Quels sont les enjeux actuels de la santé ?
La bonne santé, physique et mentale, est essentielle à chacun de nous. L’éducation à la santé, que ce soit en termes de prévention ou de traitement est un facteur majeur de sa préservation. On estime que 40% des cancers sont évitables en se préservant de la consommation de tabac, d’alcool et en contrôlant poids et activité physique. Le surpoids et l’obésité, en particulier des plus jeunes, sont des facteurs de risque qui exposent à des maladies chroniques redoutables qui altèrent qualité et espérance de vie. L’éducation thérapeutique est essentielle dans le suivi des traitements, en particulier pour les maladies chroniques. Et en retour, notre système de santé a besoin du point de vue des malades, de leurs proches pour optimiser les traitements et l’adhésion aux traitements. C’est ce que l’on appelle la démocratie en santé ou démocratie sanitaire.
Recherche et innovation sont des sources majeures d’amélioration de la santé. On a vu au cours du XXème siècle l’augmentation de l’espérance de vie grâce aux politiques de vaccination, à la révolution des antibiotiques, à la prévention des accidents vasculaires avec le contrôle de la pression artérielle. En cancérologie, il y a eu des avancées spectaculaires et toujours à poursuivre avec entre autres les thérapies ciblées et l’immunothérapie.
Enfin, nous avons la chance d’avoir en France un système de santé solidaire et universelle auquel chacun peut avoir recours à la hauteur de ses besoins en y contribuant à la hauteur de ses capacités. Néanmoins, il faut être vigilant : notre système de santé doit rester en bonne santé ! La bonne gestion du système et le « soin » apporté par chacun des acteurs (malades, soignants, industriels, administrateurs) sont essentiels à sa pérennité. Notre système de santé doit s’adapter aux changements démographiques (une population vieillissante), à une augmentation des coûts liée à l’arrivée de nouveaux traitements (nouvelles molécules et traitements individualisés à l’image des cellules CAR-T). Notre système de soin doit en même temps garder son âme : solidarité et attention portée à chacun.
Et dans 10 ans, comment voyez-vous la santé ?
J’espère à la fois dans la poursuite des avancées scientifiques et technologiques et dans le succès de l’éducation à la santé. Notre système de santé va devoir s’adapter à un grand nombre de changements : modification démographique des patients (une population vieillissante), risques épidémiques (nouveaux virus, bactéries multirésistantes, …), augmentation des coûts liée à l’arrivée de nouveaux traitements (nouvelles molécules et traitements individualisés à l’image des cellules CAR-T), apport diagnostique de l’IA (aide au diagnostic, aux stratégies thérapeutiques, à la recherche clinique via l’obtention de données de vie réelle). Il devra gagner en efficience dans l’organisation des soins (apports attendus de l’IA). Mais, il devra en même temps garder son âme : un système solidaire, protecteur, attentif à l’attention portée à chacun. Beaucoup de médecins craignent de disparaître et d’être remplacés par un robot. Je reste optimiste, le médecin gardera un rôle dans l’intégration de données « multiscales et multimodales », d’explication et d’accompagnement. Ne soyons pas pessimistes mais vigilants !