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Caroline Chassin
Enquête sur les violences sexistes et sexuelles chez les managers de santé
Caroline Chassin est directrice d'hôpital, diplômée de l’EHESP et en fonction depuis 2005. Elle exerce actuellement en tant que directrice générale adjointe de l'Institut Paoli Calmettes, centre de lutte contre le cancer à Marseille. Elle est également vice-présidente de l'ADH en charge du métier de directeur/trice d'hôpital et a exercé les fonctions de référente égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pendant 10 ans au sein du syndicat des Manageurs Publics de Santé.
Quelle est votre initiative de santé ?
Avec le collectif égalité professionnelle du syndicat des manageurs publics de santé (SMPS), nous avons mené une enquête sur l’état des violences sexistes et sexuelles (VSS) au sein de nos professions.
Je suis très honorée d’avoir été choisie pour faire partie des femmes de santé 2024, et par mon témoignage je tiens à rendre hommage à Elodie, Nora, Clément, Carine, Mélissa, Louis, Fabien, Louise, Sophie, Pauline, Sarah, sans qui tout cela n’aurait pas pu être possible. Et aussi à toutes celles et ceux qui nous ont rejoint depuis : François-Jérôme, Marie, Corine, Gaëlle, Magali, Stéphanie, Olivier, Claire, Jeanne, Fabienne, Séverine, Chloé.
Je les remercie sincèrement de faire de l’égalité professionnelle une priorité dans l’échelle des valeurs portées par notre syndicat !
Nous fêtons aujourd’hui les 10 ans de notre engament sur le sujet de l’égalité professionnelle car notre collectif a été créé en 2014 lors du salon Santexpo.
Avant de lancer notre enquête, nous nous étions beaucoup documentés au sujet des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes à l’hôpital, nous avions réalisé des bilans comparatifs de situation entre les pays européens, nous avions formulé des propositions auprès des pouvoirs publics, notamment concernant la parentalité et l’exercice professionnel.
Notre action a réellement pris son envol avec l’élection du bureau national porté par Jérôme Goemmine qui avait fait part de son engagement sur le sujet de l’égalité professionnelle lors de sa campagne. Notre réseau était en lien avec un syndicat d’internes, l’ISNI, qui avait mis le doigt sur le sujet du harcèlement sexiste et sexuel à l’hôpital. En tant que manageurs de santé nous mesurions pleinement la responsabilité que nous avions d’accompagner le mouvement des professionnels de santé pour briser l’omerta. Nous avions aussi conscience que nous ne pouvions pas agir sans être parfaitement au clair sur la situation des comportements sexistes et du harcèlement sexuel parmi nos propres collègues. C’est un sujet que nous souhaitions porter avec Clément Triballeau, également directeur d’hôpital, car tous les deux avions déjà été confrontés ou témoins de déviances sexistes ou à caractère sexuel au cours de notre parcours professionnel. Il fallait que nous fassions le point pour briser nous aussi le silence au sein de notre profession, et nous réfléchissions à la bonne stratégie, peut-être en menant nous aussi une enquête.
C’est à ce moment que j’ai reçu un appel de Sarah Evano, alors élève directrice en formation à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé publique. Elle souhaitait réaliser son mémoire de fin de formation sur le sujet des comportements sexistes et du harcèlement sexuel à l’hôpital. Elle avait entendu parler de notre engagement et m’avait contactée pour une interview. Nous avons très rapidement compris toutes les deux que c’était l’opportunité d’agir ensemble. Je lui ai proposé de réaliser l’enquête que nous avions en tête pour établir un diagnostic objectif de situation. Au travers de l’engagement de Sarah, je mesurais que la profession était probablement prête à lever le voile sur un sujet encore tabou.
Il fallait, que le bureau national du syndicat accepte de mettre les pieds dans le plat, nous savions que si l’enquête fonctionnait, les résultats n’épargneraient pas nos professions. Jérôme Goemmine et toute l’équipe du bureau ont soutenu sans réserve l’initiative, au risque de bousculer une partie de nos adhérents.
L’enquête a pu être menée, les résultats ont été édifiants. Nous avons constaté, entre autres, que :
• 60% des répondants déclaraient avoir déjà fait l’objet de comportements sexistes
• 10% avoir été victime d’une situation durant laquelle on les a embrassés ou tentés de les embrasser sans leur consentement,
• 10% s’être vu imposer des contacts sur les zones génitales ou érogènes.
Parmi ces répondants, une très large majorité étaient des femmes.
C’est à partir de ce moment qu’un choc des consciences s’est opéré qui nous a permis de faire avancer la cause. Nous avons reçu énormément d’appels de soutien et de remerciements au sein de la profession. Cela a permis de libérer la parole.
Je ne remercierai jamais assez le SMPS de soutenir avec conviction et sans réserve l’égalité professionnelle pour faire progresser nos professions de manageurs de santé !
Après 10 ans d’engagement sur le sujet, je retiens de cette expérience qu’il faut persévérer et savoir attendre le bon moment, avec les bonnes personnes : l’engagement pour l’égalité professionnelle, c’est une école de la patience !
C’est aussi une histoire de collectif et non d’individu, je suis fière de ce qu’est devenu le collectif que j’ai lancé il y a 10 ans, et j’ai récemment souhaité passer la main à une jeune collègue, Pauline Bernard, pour qu’elle puisse prendre la suite et faire perdurer notre action. Elle est très engagée et dynamique. Elle apporte des idées nouvelles. C’est aussi ça la dynamique de groupe !
Quels ont été les obstacles rencontrés pour monter le projet ?
En 2014, la parole des femmes était moins écoutée. Si le sujet de l’égalité professionnelle commençait à susciter de l’intérêt, force était de constater qu’il passait souvent en second plan. Pendant longtemps, l’action du SMPS a pu être perçue comme une caution de bonne conscience alors qu’il s’agissait d’un engagement réel qui n’était pas encore audible de tous.
Parfois, on pouvait regarder notre action avec un œil critique et méfiant sur nos intentions. Quel était ce groupe de jeunes femmes (au démarrage nous étions uniquement des femmes), des hystériques ?
Ce n’est que lorsque les pouvoir publics se sont saisis du sujet de l’égalité professionnelle, et au vu de l’ampleur des alertes du mouvement #MeToo, que nous avons pu mettre en avant nos idées et notre projet. L’enquête a reçu un franc succès et a été accueillie avec beaucoup d’écoute et d’attention. Le choc a permis d’éveiller les consciences et de mesurer que les violences sexistes et sexuelles sont bien une réalité qui touche toutes les strates de la société. Cela nous a permis d’être considérés avec sérieux et le reste s’est naturellement déroulé sans encombre.
Quels sont les enjeux actuels de la santé ?
J’ai le sentiment que l’ensemble des acteurs de santé, qui se sont fortement mobilisés durant la pandémie de COVID-19, en sont ressortis avec la conviction renforcée que notre modèle devait évoluer vers plus de coopérations entre eux.
Nous avons vu durant la crise COVID que cette coopération était à la source de nombreuses réussites entre secteur public et secteur privé, entre hospitalisation et secteur ambulatoire, entre sanitaire, social et médico-social, entre soignants et patients, entre entreprises et hôpitaux, entre politiques, scientifiques et usagers, etc…
C’est une nouvelle approche, plus intégrative, plus systémique et surtout moins agressive. C’est aussi probablement un cheminement progressif vers un service public global de la santé.
Je suis convaincue que, de cet esprit de coopération, naîtront les solutions les plus innovantes dont notre système de santé a besoin pour surmonter les difficultés qu’il rencontre mais aussi pour tirer le meilleur parti des avancées scientifiques, technologiques, numériques… qui feront du XXIème siècle un siècle révolutionnaire pour la médecine avec de formidables avancées thérapeutiques en perspective.
Nécessité de coopération et liberté d’innovation sont les deux clés pour faire évoluer le système de santé, notamment en matière :
• d’accès équitable et gradué aux soins partout et pour tous sur le territoire,
• de reconnaissance et la valorisation de tous métiers de la santé,
• de soutien à la recherche médicale,
• de prévention, notamment contre les pathologies liées à notre mode de vie contemporain (sédentarité, nutrition, exposition aux écrans, aux particules et à la pollution…),
• d’accompagnement du vieillissement massif de la population,
• de prise en compte de la santé mentale (stress, dépression, anxiété…),
La liste est, bien entendu, loin d’être exhaustive, tant les défis en santé sont nombreux.
Et dans 10 ans, comment voyez-vous la santé ?
Dans 10 ans, nous coopérerons plus et mieux qu’aujourd’hui pour innover. Nous aurons progressé et commencé à résoudre un certain nombre de défis !
Dans 10 ans, les technologies de la santé et les puissances de calcul auront encore considérablement progressé. L’intelligence artificielle aura facilité les avancées dans les sciences, permettant ainsi aux chercheurs d’accroître le nombre de leurs découvertes dans des délais réduits.
Dans 10 ans, notre modèle économique de la santé aura également évolué pour mieux financer les parcours de soins qui seront devenus des parcours de santé en incluant la prévention, les soins à domicile, les soins de support, le sport, l’écologie, l’environnement économique et social…
Dans 10 ans, les soignants disposeront aussi d’armes nouvelles pour lutter contre des pathologies aujourd’hui encore incurables. Ils le feront en agissant directement sur le système immunitaire dont ils comprendront mieux les mécanismes complexes et les interactions avec l’environnement. Les immunothérapies auront probablement commencé à bouleverser notre rapport à la maladie car la médecine agira plus avec le système immunitaire des patients pour lutter contre les pathologies.
Nous œuvrons déjà en ce sens car 10 ans c’est demain et cela se construit aujourd’hui !