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Alexia Cassar
The Tétons Tattoo Shop
Quel est votre projet ?
Depuis 2017, je suis Artiste Tatoueuse spécialisée dans la reconstruction de l’estime de soi après un cancer par le tatouage artistique 3D du mamelon ou sur cicatrices de mastectomie.
Biologiste de formation, j’ai travaillé pendant plus de 15 ans dans la recherche clinique en oncologie pour développer de nouveaux traitements contre le cancer, à l’hôpital mais aussi dans de grands laboratoires pharmaceutiques.
Quand ma fille de 10 mois a été touchée par une leucémie, le besoin de me sentir plus utile dans la lutte contre les dommages du cancer est né. J’avais la sensation de travailler de manière anonyme et de ne pas sentir la différence qu’on peut apporter de manière personnalisée aux personnes atteintes de cancer. Avec ce métier, j’ai une relation directe et unique avec chaque personne que je reçois, et c’est important dans le processus de reconstruction physique et émotionnelle. Découvrir le tatoueur de Baltimore Vinnie Myers, spécialisé dans le tatouage après mastectomie de tétons en 3D a été une révélation.
Tatouée, j’ai toujours été attirée par cet Art qui sublime les corps et permet de traverser la vie avec une « nouvelle peau » après les épreuves. Ayant toujours dessiné, ce rapport à l’artistique a été indispensable pour pouvoir aborder ce virage et suivre le long apprentissage de ce métier d’art qu’est le tatouage. J’ai été formée auprès d’un maître tatoueur à plein temps pendant plus d’un an avant d’assister à une formation sur le tatouage médical, parfois visuellement insatisfaisant et surtout pas définitif. J’ai aussi pu apprendre les techniques de reconstruction auprès de chirurgiens plasticiens pour bien comprendre le contexte. J’ai complété ces formations par une formation spécifique au tatouage 3D après mastectomie aux Etats-Unis. Ce type de tatouage se fait sur des peaux abîmées par la chirurgie, la radiothérapie et aussi la chimiothérapie et auprès de personnes en souffrance qu’un résultat approximatif ou une technique non précise pourraient anéantir. Avec comme préalable plus de 6000h de formation auprès d’un tatoueur et sous son contrôle, plusieurs centaines de tatouages de tous types sur tous types de peau, une formation dédiée mais courte aux USA, les formations avec des chirurgiens et la recherche bibliographique sur le sujet, j’ai accumulé plus de 4000h de spécialisation à travers les tatouages que j’ai réalisés depuis et ceci n’est pas comparable avec des formations de quelques heures voire même quelques semaines dispensées dans des écoles de tatouage ou des instituts de formation. Il est urgent de pouvoir encadrer ces pratiques car des déceptions voire des accidents seront inévitables si les gens ne sont pas dûment formés. Je me bats aussi pour la prise en charge de ces actes par les mutuelles.
Quels ont été les obstacles rencontrés pour monter le projet ?
J’ai dû abandonner mon activité professionnelle pour faire un an d’apprentissage. Ce type de formation n’est pas reconnu ni rémunéré : j’ai été sans revenus pendant près d’un an après une rupture conventionnelle. J’ai intégré ensuite une couveuse d’entreprise pour monter mon projet. J’ai dû me battre pour trouver des fonds car les banques ne croyaient pas mon projet sérieux. J’ai monté un financement participatif avec 33 000 euros de dons. Cela a financé la moitié des frais nécessaires à l’ouverture en Septembre 2017 de The Tétons Tattoo Shop, 1er salon de tatouage 100% dédié à la reconstruction après un cancer. En 2019 j’ai ouvert un 2ème salon sur Nice, mais je fais toujours face à des difficultés car ce geste, à l’inverse des tatouages faits à l’hôpital, n’est pas remboursé. Treize mutuelles à ce jour ont accordé des aides mais c’est encore difficile pour les patient(e)s touché(e)s. Aucune règlementation sur ce geste n’existant, la médiatisation a causé des « vocations » qui éloignent une clientèle autrefois venue de toute l’Europe et la crise du COVID-19 a lourdement impacté cette fragile activité.
Quels sont les enjeux actuels de la santé ?
La santé est en crise, et pas seulement à cause du COVID-19. Il faut repenser intégralement la façon dont on traite les patients et les soignants, pour l’humaniser et la rationnaliser pour plus d’efficience et de bien-être de tous les acteurs. En ce qui concerne le cancer, le parcours de soin est très pointu en France, mais une fois la maladie traitée, les ex-malades se sentent parfois abandonnés sur le plan psychologique et social. Les aspects « esthétiques » pourtant essentiels à la reconstruction, sont survolés. On néglige l’importance de se retrouver physiquement pour se sentir « guéri » et on empêche beaucoup de réinsertions socio-professionnelles pour les patients. Par exemple pour le cancer du sein, le reste à charge est de plus de 1000 euros, beaucoup de patientes ne vont pas jusqu’au bout de la reconstruction. Le tatouage médical après mastectomie est remboursé 125 euros et doit être refait tous les ans, le tatouage artistique 3D lui, n’est pas remboursé mais dure à vie. Mais beaucoup de patientes ne peuvent pas se permettre cette dépense (450 euros). Cette initiative vise à terme à délester les services médicaux débordés en proposant une alternative non médicale moins chère à long terme et qui permet une réinsertion des patient.es qui ferment une parenthèse avec la maladie. Il faut davantage développer ce type d’actions gagnant-gagnant entre le corps médical, les patients et les entreprises engagées. En ce qui concerne le tatouage 3D, j’espère pouvoir mettre en place des études pour prouver son efficacité et son innocuité et aussi le potentiel de gain économique et social : moins de tatouages hospitaliers semi-permanents ou de greffes chirurgicales sont autant d’économies pour l’assurance maladie et des personnes qui peuvent retrouver une vie conjugale, sociale et professionnelle sont autant de richesses pour notre société actuelle qui a besoin de se recentrer sur l’espérance et la résilience. Tout cela ne sera possible qu’avec un réseau de professionnels formés et engagés en ce sens.
Et dans 10 ans, comment voyez-vous la santé ?
Dans 10 ans, je vois et j’appelle de mes vœux une santé décentralisée et connectée : il faudrait mettre en relation les compétences médicales, paramédicales ou non médicales, pour créer des réseaux d’expertise et de service à la pointe et au service des patients. Le corps médical pourra se concentrer sur sa mission de soin et les compétences satellites en lien avec lui pourront lui apporter une aide précieuse sur des domaines d’expertise autres que la médecine. Les consultations à distance, les maisons de santé, le développement des patients experts sont déjà des réponses à ce besoin mais d’autres pistes doivent être envisagées pour remettre l’humain au centre de la santé et assurer la pérennité d’un système débordé et exsangue actuellement et dans lequel personne ne semble se retrouver. The Tétons Tattoo Shop, s’il se développe, est un modèle de responsabilité sociale et environnementale qui permettra de mettre en pratique ce concept participatif, et les mutuelles qui le soutiennent ne s’y sont pas trompées ! Par contre un encadrement est impératif pour la sécurité des patients.